Articles, idées, astuces de la pionnière de la parentalité positive en France, Catherine Dumonteil Kremer
5 Avril 2018
L'argent pose souvent question dans les familles. Faut-il donner de l'argent de poche ? Combien ? Est-ce conditionné à certaines « obligations » des enfants ?
Essayons de répondre à ces questions.
Gérer de l'argent est une affaire sérieuse qui devrait incomber uniquement aux plus grands, du moins c'est ce que nous croyons.
Pourtant Barbara Coloroso dans son ouvrage Le cadeau de la discipline personnelle (Éditions Quebec-Livres, 1997) parle de donner des pièces aux enfants à partir du moment où ils cessent de projeter de les manger !
Dans notre famille, nous avons traversé pas mal de déconvenues avec l'argent de poche, il était souvent perdu quand mes filles étaient petites et, finalement, je crois que j'aurais dû attendre qu'elles en réclament pour leur en proposer régulièrement.
Cette somme était pour moi indispensable… Cependant, elle ne répondait pas à tous les besoins matériels qui se présentaient. Elle était parfois très vite dépensée et je refusais alors obstinément de donner un quelconque complément.
Des avances étaient négociées, mais la plupart du temps, elles venaient grever de façon dramatique le budget du mois ou de la semaine suivante.
Nos revenus ont diminué et j'ai un jour cessé de donner de l'argent de poche à mes enfants. Leurs grands-parents ont alors pris le relais.
Avoir une somme d'argent régulière à gérer a des côtés positifs, à la condition que nous ne nous en mêlions absolument pas, qu'ils aient la liberté d'acheter ce qu'ils veulent, y compris ce que nous ne voulons surtout pas, nous.
Cela fait partie de ce que j'appelle la dignité de l'enfant.
Il y a un autre volet que j'ai découvert au fil du temps : le fait de donner de l'argent est bien souvent conditionnel et devient malencontreusement une récompense qui fait perdre à nos petits toute dignité. Il se transforme alors en petit mendiant séducteur bien malgré lui, à cause de nos manipulations (que nous opérons malheureusement aussi malgré nous).
Voilà comment j'ai géré ce problème : je disais oui à toute demande qui me paraissait gérable par le budget familial. Je ne demandais aucune gratitude ; les enfants en manifestaient malgré tout très souvent.
Mes filles font partie de ma vie, elles sont membres de ma famille et elles ont comme moi des besoins et des désirs : le fait de les satisfaire si mes revenus me le permettaient était une chose très naturelle.
Dans certaines situations, je leur donnais une somme précise à gérer : par exemple, si nous allions dans un parc d'attractions, j'ai remarqué que cela me permettait de fixer rationnellement la somme que je pouvais consacrer à l'événement et mes enfants étaient plus attentifs à leurs dépenses.
Et quand je percevais une somme importante, je la répercutais en partie sur elles.
Elles ont géré également la moitié de l'allocation de rentrée scolaire depuis leurs huit ans.
Elles ont très tôt acheté elles-mêmes leurs vêtements.
Tout cela n'était surtout pas conditionné ou relié à des résultats scolaires ou à des attitudes que j'aurais qualifié de positives.
Encore une fois, cela aurait été pour moi leur faire perdre toute dignité : l'argent donne une forme de pouvoir décisionnel et les enfants ont le droit de l'expérimenter, et ce, d'autant plus qu'il leur est interdit d'avoir un emploi, donc de gagner leur vie.
Ils travaillent pourtant durement à l'école, mais cette tâche est la seule, semble-t-il, qui ne mérite pas de rétribution.
Je voudrais conclure avec ce passage de S'évader de l'enfance de John Holt : ce livre publié dans les années 1970 m'a permis d'avoir une réflexion plus large sur ce qu'est la dignité de l'enfant :
« Dans notre société, quand on parle de l'égalité des droits en faveur des femmes ou des enfants, on songe inévitablement aux classes aisées ou riches, où les femmes et même les jeunes ont des chances de posséder un peu d'argent ou de pouvoir en obtenir relativement facilement, soit par un travail quelconque, soit grâce à l'aide d'autres riches.
Mais chez les petits-bourgeois et les pauvres, les femmes et les enfants seront toujours à la merci d'un homme occupant un emploi, à moins qu'ils ne possèdent en propre une source sûre de revenus. »… « Actuellement j'en viens à me dire que le fait d'être un « enfant » soumis à une dépendance absolue, et d'être considéré par les plus âgés comme un mélange d'animal encombrant et coûteux, d'esclave et de super-jouet, que cette situation, dis-je, fais plus de mal que de bien à la plupart des jeunes. »
Quelques suggestions
Avez-vous reçu de l’argent de poche quand vous étiez petit ? Que représentait l’argent dans votre famille ?
Mais je vous garde tout cela pour un prochain article…
Bonne journée J
Catherine Dumonteil Kremer
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