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La Parentalité Positive au quotidien

Articles, idées, astuces de la pionnière de la parentalité positive en France, Catherine Dumonteil Kremer

Le lynchage d'un enseignant !

Afin de vous mettre dans le bain je vous propose d'aller voir là.
Il s'agit d'une émission de France cinq qui a pour objet le documentaire de Christopher Nick "L'école en France".

Je ne l'ai pas encore vu, mais "Arrêt sur image" en donne un avant goût. Le premier extrait montre les larmes d'un petit garçon face à son enseignante qui lui demande justement, la définition du mot "extrait". Il ne sait que répondre, elle réitère sa question, Grégory finira en larmes. Sa détresse est visible, cette pression de l'adulte semble intolérable. Et ce qui est curieux, c'est qu'elle frappe les représentants de l'éducation nationale sur le plateau. "Nous avons envie de détester l'enseignante" dit Martine Storti inspectrice de l'éducation nationale. Un bien curieux commentaire, quand on a vu cette enseignante : quel crime a-t-elle donc commis qui ne soit habituel dans le milieu scolaire ? Ne fait-elle pas ce qu'on lui a appris à faire ?

Ne croit-elle pas en l'école, et sa mission de service public ? N'est-ce pas avec les meilleures intentions qui soient qu'elle agit de la sorte dans sa classe ? J'ajoute qu'elle a vu le documentaire avant sa sortie, qu'elle a demandé quelques modifications, et qu'elle a laissé en toute bonne foi ces scènes où on la voit clairement juger, évaluer, reprendre, insister à coup de pourquoi ! C'est bien qu'elle pense faire son travail correctement, au mieux. L'a-t-on vu crier ? frapper ? punir ?

J'ai envie de dire que son fonctionnement est tristement banal dans l'éducation nationale, et j'ai subitement eu l'impression qu'elle était vue comme une institutrice maltraitante, que l'on stigmatise. Elle est un bouc émissaire un peu facile, et elle n'est surtout pas responsable des défaillances de l'école. Elle y participe, mais je trouve un peu fort que cette femme devienne une cible. Quoique me direz-vous nous pourrions nous réjouir que subitement l'opinion publique soit sensible à de telles atteintes à la dignité des enfants, qui sont assez subtiles la plupart du temps et passent inaperçue à la majorité d'entre nous.

Mais que diriez-vous si je vous disais qu'il y a encore des enseignants qui frappent, qui humilient, que le piquet est encore pratiqué et ce dés la maternelle, que la sanction est de mise, non seulement pour des raisons de comportement, mais aussi de manque de travail, ou de "mauvais" résultats. Ce serait probablement la révolution ! C'est un peu ironique vous l'aurez compris.

Quand je vois que la plupart des parents avec lesquels je suis ne contact ont du mal à faire valoir le droit de leur enfant à ne pas être maltraité, frappé, insulté, humilié. Je m'interroge sur cette conscience nouvelle des difficultés que les enfants rencontrent à l'école.
Et puis quel est donc ce tribunal populaire qui se trompe de coupable ?
J'ai trouvé l'institution fort peu courageuse face à ses lacunes. Les commentaires, les chiffres parlent et accablent le système scolaire français, à la traîne des pays occidentaux, nous détenons par exemple  le triste record du stress scolaire (une étude faites par l'ocde a été cité pendant les extraits diffusés). Pour ce qui est de l'acquisition des connaissances nous ne sommes pas mieux lotis. Tout ceci reposerait sur les frêles épaules de Véronique ?
Il serait bien difficile pour l'institution de voir à quel point elle a laissé ses enseignants faire face à des situations inextricables qu'ils ne savent pas gérer. Chacun applique dans sa classe un peu de ce qu'il est, de son vécu d'enfant scolarisé, les enseignants sont bien souvent seuls face à des élèves qui cumulent les difficultés. Seuls et sans soutien, coincé par une administration convaincue qu'il y a de "bons" et de "mauvais" enseignants, qu'il y a ceux qui ont une autorité naturelle, et ceux qui  se "font bouffer".
Les uns tiennent à coup de contrôle, de menaces, les autres finissent dans les maisons de repos de l'éducation nationale.
Car si nous détenons le record du stress scolaire pour les enfants, je ne serais pas très étonnée que nous détenions aussi celui des adultes au sein de tous les établissements scolaires. Comment dans de telles conditions nos enfants pourraient-ils se connecter avec le plaisir d'apprendre ?
Que leur apprend l'école ? Quel est le message dominant ? Que deviendront-ils ?

On leur apprend le non respect, car ils ne sont pas respectés, on les oblige à apprendre sans joie, ils ne peuvent à aucun moment assouvir leur curiosité naturelle, il n'y a qu'une seule bonne réponse, les autres sont rejetées, évaluées, ils apprennent qu'ils ne peuvent pas se faire confiance, ils ne peuvent pas non plus faire confiance aux autres, pas plus aux enfants qu'aux adultes, leurs émotions et sentiments ne sont pas écoutés, (l'enseignante qui demande à l'enfant pourquoi il pleure, c'était un crime peut-être mais ne me dites pas que cela ne vous ait jamais arrivé avec vos propres enfants, avant d'avoir conscience que ce n'est pas la réponse à la question pourquoi qui est importante, c'est l'accueil et l'acceptation de ce qui s'exprime qui le sont.) Ils sont manipulés dans le but d'obtenir des résultats, les études deviennent une fin et plus un moyen, on ne s'intéresse pas à leurs rêves, à leurs projets, ils sont même dévalorisés à l'occasion.
A l'école on ne peut pas utiliser le vecteur le plus simple et le plus efficace de l'apprentissage : le jeu. Pas question de jouer plus de 30 minutes en récréation, si on inversait la vapeur 4 heures de jeu et 30 minutes axées sur la théorie de ce que l'on a appris dans le jeu libre. Le visage du monde de demain en serait bouleversé !
L'éducation nationale a rendu la pédagogie complexe, inaccessible, difficile, alors qu'elle n'est "qu'une" question d'écoute des enfants...et des enseignants ! L'école engendre la situation la moins propice à l'apprentissage qui soit.

Enfin pas toujours, il y a les gens comme Sylvain, qui sont quand même peu nombreux, il y a les maltraitants qui sont passibles des tribunaux (je ne crois pas qu'ils soient plus nombreux que les précédents), et il y a les milliers de Véronique L, qui sont de façon routinière et invisible (sauf cette fois) oppressifs quotidiennement avec les enfants.
Je sais que le problème est complexe, et si je me permets de faire une proposition fantaisiste c'est uniquement par provocation. En attendant, si nous pensons que nos enfants vont trouver demain des solutions aux problèmes qui surgissent (je pense notamment aux pbs d'environnement)  en étant formé par l'école, je crois que nous nous trompons, je ne pense pas que l'école forme des individus créatifs, qu'elle fasse en sorte que l'intelligence se révèle, pour le moment elle enferme, et formate à de rares exceptions près si on considère que chaque enfant a un grand potentiel d'intelligence d'une grande souplesse, et que ce potentiel est un trésor à faire fructifier si nous voulons que demain nos petits-enfants aient des conditions de vie acceptables. Nous sommes tous coresponsables de cet état de fait, et tous nous pouvons agir afin que nos enfants grandissent dans le respect.
Merci à Christophe Nick d'avoir rendu visible cette oppression réitérée, cette oppression ordinaire lourde, qui peut faire de la vie d'un enfant un enfer.

Catherine Dumonteil Kremer








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A
je suis cette année professeure stagiaire en lycée, et j'ai malheureusement constaté combien les élèves avaient perdu leur curiosité, leur esprit chercheur et combien ils s'étaient adaptés au format scolaire.<br /> En voyant Véronique dans le reportage, j'ai compris comment finalement l'école leur apprenait dès le plus jeune âge à devenir de bons écoliers (bien se tenir, bien apprendre ses leçons, bein faire ses exercices...) et pourquoi il est si difficile de renverser la vapeur et de leur permettre de découvrir (ils perdent leurs repères, et demandent sans cesse : qu'est-ce que je dois faire, qu'est-ce que je dois écrire, comment je dois faire, et perdent totalement de vue le plus intéressant : le pourquoi !)<br /> Et si on commençait par ne plus leur donner de note...
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V
je n'ai pas vu les 3 volets de ce documentaires, mais l'émission "arrêt sur image" & je voulais simplement dire à quel point j'en ai marre de voir des faux débats avec des personnes d'une ouvertures d'esprit & d'une clarté d'élocution  comme ce charmant réalisateur face à des personnes hallucinantes de sottises qui ne permettent pas de faire évoluer les discussions...je trouve dommage que cette femme, Véronique L. soit aussi facilement la cible des ressentis argneux de chacun & que ce soit amplifié face à cet  autre instit, Sylvain C., qui semble être un modèle d'ouverture & d 'humanisme...nous ne les connaissons pas & de quel droit se permet-on de les juger pire de les emprisonner dans des cases?tout cela m'attriste un peu & je souhaite que les esprit se recentrent sur le fond du problème: le mal être des enfants  car ils deviennent des adultes handicapés dans leurs émotions, dans leurs relations à l'autre, dans leur amour propre,...
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C
Merci Catherine d'avoir si bien su formuler ton ressenti suite à l'émission de France 5.<br /> J'ai trouvé le débat entre les personnes présentes très stérile mais tellement représentatif de ce qui se passe au sein de l'Education Nationale!<br /> Ca m'attriste et je me demande vraiment comment cette institution va pouvoir évoluer pour que la richesse de nos enfants puisse s'y épanouir....
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C
Je n'ai pas regardé le documentaire mais ce que vous en dites me donne de plus en plus envie de déscolariser mon enfant qd il arrivera en âge
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E
Alors encore une fois vous formulez avec une limpidité totale ce que je n\\\'avais même pas pris le temps de rendre clair pour moi-même après avoir regardé le documentaire...merci pour cela.Ma première réaction a été épidermique : j\\\'ai effectivement détesté  Véronique L.  pour ce qu\\\'elle faisait subir à Lola, une autre petite souffre douleur  (expression sur laquelle il y aurait beaucoup à dire...).  Et j\\\'ai ADORE sylvain. J\\\'ai tellement eu l\\\'impression qu\\\'il était constamment dans le vrai, dans le juste...Quelle différence entre ses élèves et ceux de Mme L.J\\\'ai un petit garçon de bientôt 3 ans qui ira à l\\\'école en septembre  et je suis complètement désemparée car je n\\\'envisage pas de ne pas le scolariser, même après avoir vu le documentaire...Quelle solution alors???Vous dites que "nous sommes tous responsables de cet état de fait et que tous nous pouvons agir pour que nos enfant grandissent  dans le respect" ??? En ne scolarisant pas nos enfants??  J\\\'en suis réduite à miser sur la chance pour que mon enfant ne croise pas sur son chemin d\\\'écolier des Véronique L.  trimballant avec eux toute la frustration d\\\'une vie et la lourdeur/pression d\\\'un système...mais uniquement des Sylvain imaginatifs et respectueux...Une afficionado, qui pourtant a ADORE, l\\\'école (parce que c\\\'était moins pire qu\\\'à la maison???)
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