Articles, idées, astuces de la pionnière de la parentalité positive en France, Catherine Dumonteil Kremer
18 Avril 2014
Le commentaire d'un de mes lecteurs ou d'une de mes lectrices a attiré mon attention sur un article : http://www.slate.fr/monde/83599/suede-generation-education-enfant-roi
C'est marrant dès le titre j'ai observé cette vive indignation que ressentent les adultes qui n'ont pas été respectés pendant leur enfance. "La Suède est-elle entrain de créer une génération de petits cons ? " (angoissante question) Un peu ce qui se passe quand on demande un avis à un enfant et qu'il se trouve là quelqu'un qui trouve ça vraiment « trop ». « Tu ne vas quand même pas lui demander son avis », ou bien vous savez, quand les enfants disent : « Je veux… » quel tollé, mais depuis quand a-t-on le droit de vouloir quand on a moins de dix-huit ans ?
Bref, le petit con, moi ça m'a amusé, je me suis demandé ce que c'est, un pré-ado mal élevé, qui est prétentieux, à lire l'article je me suis demandé, est-ce celui qui surprend parce qu'il sait ce qu'il veut ? Qu'il est conscient de ses capacités ? Et de ce fait est jugé prétentieux par ceux qui ne savent pas ce qu'ils veulent et qui ont toujours beaucoup de mal à s'affirmer.
Ou bien est-ce quelqu'un qui manque totalement d'empathie ? Mal élevé, ça veut dire quoi ? C'est quelqu'un qui ne respecte pas les conventions sociales ? Un excès de « moi » ? Quel est le sens de ce constat ? En filigrane je lis : « Obéis à l'injonction de tes parents, tu dois t'oublier au profit des autres, ne pas dire « je » et encore moins « je veux ». »
Je cite quand même la définition du parent selon cet auteure britannique qui s'élève contre le système suédois, elle répond ici à son enfant qui ne veut pas s'habiller :
« Je n’ai jamais été ton amie. Les amis ne lavent pas tes chaussettes, ils ne t’achètent pas un manteau chaud pour l’hiver, pas plus qu’ils ne te forcent à te brosser les dents. Maintenant, tu t’habilles ou je téléphone à l’école. Ils appelleront la police pour qu’elle vienne arrêter et expulser tes Sylvanians. »
Rien de nouveau sous le soleil, ce système répressif est responsable de tant de dommages en nous que je me demande comment on peut encore le promouvoir. L'impact de la violence, des humiliations, tout ceci a été décrit dans un rapport de l'OMS. Nous payons très cher une éducation rigide, à l'échelle de la société le coût humain est énorme : chaque jour en France 700 personnes tentent de se suicider, 2 enfants meurent sous les coups de leurs parents, tous les trois jours une femme meurt sous les coups de son conjoint, un homme tous les dix jours. Muriel Salmona rapporte que 16 pour cent des femmes ont été victimes de viol.
J'ajoute que la France est le pays champion pour ce qui est de s'anesthésier pour continuer à vivre à peu près normalement. Nous sommes un pays morose, où la pratique de l'autodévalorisation est courante.
Alors oui, je préfère accompagner « un petit con » qu'une personne triste, malheureuse, violente, et qui se sentira impuissante face à sa violence. Surtout j'aimerais que l'on abandonne ces constats de surface, les enfants sont empathiques très tôt, nous pouvons beaucoup pour protéger cette qualité inhérente aux humains (mais aussi aux animaux). Les enfants respectés sont pleins de tendresse, et de conscience d'eux-mêmes et des autres autour d'eux. Cela fait plus de vingt ans que j'accompagne des parents, et je commence à avoir une vision assez claire de ce que donne un accompagnement bienveillant.
Je vois ce genre de réaction comme la conséquence de la diffusion de plus en plus massive d'informations sur ce que donne une éducation répressive, les parents sont de plus en plus réceptifs, notre société est en train de changer et comme à chaque changement il y a de la résistance, plus ces informations et actions se répandent plus la résistance à ce qu'elles affirment se renforce.
Malgré tout, nous allons vers une autre considération de l'enfant, mais de l'adulte également… Tout le monde sera gagnant quand l'immense majorité des enfants sera enfin traité avec respect et tendresse partout dans notre société.
Catherine Dumonteil Kremer
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