Articles, idées, astuces de la pionnière de la parentalité positive en France, Catherine Dumonteil Kremer
23 Septembre 2010
Ha ha, voilà un sujet qui excite mes petits doigts... Les tâches ménagères !
Tout d'abord Hélène merci pour ce long mail, je te rejoins sur chaque point... Notre invisibilité fait peur à tous les niveaux... Et pourtant !
Pour celles qui ne le connaissent pas je rappelle que mon livre favori (avec "L'adolescence autrement") celui qui a fait vibrer mon coeur de femme, "Elever son enfant autrement" seconde version évoque la question sur un plan pratique, politique et de développement de soi. Je vous renvoie donc à la partie "Profession Parents".
Cet échange a commencé par une formule qui m'est très familière dans la bouche des femmes dès qu'il s'agit de leurs enfants, de leur maison, de leur couple...
"Je culpabilise de"... Tu culpabilises de faire le ménage chez toi, moi je culpabilise de ne pas le faire... comme quoi ! Enfin, quand même de moins en moins, je me soigne depuis de longues années de ce fléau qui veut que l'on considère que ces travaux répétitifs et sans beaucoup d'intérêt soit savamment orchestrés de manière à se faire en même temps que l'accompagnement de nos enfants, et éventuellement en même temps qu'un boulot, à temps plein, c'est un peu toujours sur nous que ça DOIT retomber ! Nous on en a l'habitude, comme le dit Hélène être une femme acceptable, c'est avoir 6
bras, un cerveau brillant (il le faut absolument si on veut survivre ;-), et puis il faut bien entendu prendre soin, de soi, ne pas se laisser aller, pour coller à cette image de la femme qui convient, gentille accueillante, souriante, qui cherche toujours des solutions pour soutenir tout le monde autour d'elle... La parfaite victime qui se retrouvera à cinquante ans complètement perdue, peut-être amère...
La femme sacrifiée, celle qui fait preuve d'abnégation ! Celle qui voulait coller à un idéal, l'idéal de la femme parfaite, de l'image de la femme parfaite... Celle qui joue un rôle, qui fait tout pour sauvegarder les apparences.
Pour moi elle est la l'abnégation, il suffit de se replonger dans les très vieux classiques : la bible. Allez donc lire le trente-troisième proverbe du livre des Proverbes. La description de la femme est étonnante...
"
Ouvre ta bouche, juge avec justice, Et défends le malheureux et l'indigent. | |
Qui peut trouver une femme vertueuse ? Elle a bien plus de valeur que les perles. | |
Le coeur de son mari a confiance en elle, Et les produits ne lui feront pas défaut. | |
Elle lui fait du bien, et non du mal, Tous les jours de sa vie. | |
Elle se procure de la laine et du lin, Et travaille d'une main joyeuse. | |
Elle est comme un navire marchand, Elle amène son pain de loin. | |
Elle se lève lorsqu'il est encore nuit, Et elle donne la nourriture à sa maison Et la tâche à ses servantes. | |
Elle pense à un champ, et elle l'acquiert ; Du fruit de son travail elle plante une vigne. | |
Elle ceint de force ses reins, Et elle affermit ses bras. | |
Elle sent que ce qu'elle gagne est bon ; Sa lampe ne s'éteint point pendant la nuit. | |
Elle met la main à la quenouille, Et ses doigts tiennent le fuseau. | |
Elle tend la main au malheureux, Elle tend la main à l'indigent. | |
Elle ne craint pas la neige pour sa maison, Car toute sa maison est vêtue de cramoisi. | |
Elle se fait des couvertures, Elle a des vêtements de fin lin et de pourpre. | |
Son mari est considéré aux portes, Lorsqu'il siège avec les anciens du pays. | |
Elle fait des chemises, et les vend, Et elle livre des ceintures au marchand. | |
Elle est revêtue de force et de gloire, Et elle se rit de l'avenir. | |
Elle ouvre la bouche avec sagesse, Et des instructions aimables sont sur sa langue. | |
Elle veille sur ce qui se passe dans sa maison, Et elle ne mange pas le pain de paresse. | |
Ses fils se lèvent, et la disent heureuse ; Son mari se lève, et lui donne des louanges : | |
Plusieurs filles ont une conduite vertueuse ; Mais toi, tu les surpasses toutes. | |
La grâce est trompeuse, et la beauté est vaine ; La femme qui craint l'Éternel est celle qui sera louée. | |
Récompensez-la du fruit de son travail, Et qu'aux portes ses oeuvres la louent. |
Et nous en sommes toujours à peu près là...
Pour moi l'abnégation piégeante, tentaculaire, est là... Dans le sacrifice de soi au profit d'éléments extérieurs qui sont de simples faire valoir, au profit d'un homme qui vit avec une deuxième mère prête à tout pour lui convenir, les enfants eux sont aimés mais ils ne sont pas forcément prioritaires dans le système.
Nous voilà enfermés bien loin du paradis, tiens d'ailleurs ce film l'avez-vous vu ? ("Loin du paradis" ?)
Cette famille des années cinquante bien sous tout rapport, très belle femme, père pourvoyeur de fonds très efficace, ravissante maison, enfants proprets, et gentillets, tout semble rouler... Et ... non ! Un immense désespoir se cache sous cette belle image de la famille idéale.
Le voilà l'idéal, notre idéal peut-être... Notre idéal d'enfant même, cet idéal de havre de paix, celui que nous avons toujours voulu, ce refuge où tous nos besoins seraient comblés... Il s'avère qu'il n'existe pas...
En faire son deuil n'est pas très facile, je vous l'accorde, mais du coup on se coltine la réalité qui elle est bien plus riche et passionnante et pénible aussi, épuisante de nos vies de familles.
Je connais chaque jour la jouissance d'être une femme et je l'ai écrit ici : http://www.cdumonteilkremer.com/article-pourquoi-j-aime-etre-une-femme-44780131.html
Je ne sais pas si ça ressemble à un idéal, mais bien sincèrement je ne le pense pas, le bateau sur lequel je suis embarquée prend l'eau bien souvent, les tempêtes sont énormes, j'essaie d'avancer en accordant la priorité aux êtres, les personnes avant les choses...
Et je maintiens que ce n'est pas un idéal, quelquefois je me dis même que cette histoire d'idéal, de parents parfaits nous permet de nous dire que finalement tout cela est inaccessible, alors que c'est juste là à la portée de nos coeurs...
C'est tout près, avec le cortège de fatigue, d'épuisement même, de remises en question, de retour sur sa propre histoire, de moments de béatitude aussi, et tout cela qui est très loin d'être idéal, qui nous pousse à comprendre, apprendre, à nous dépasser, nous rend incroyablement efficace.
Et ceci je l'ai écrit là : http://www.cdumonteilkremer.com/article-30610200.html
Alors les tâches ménagères pour moi c'est l'arbre qui cache la forêt ! La jungle de nos attentes d'enfant, de ce que nous ont montré nos parents... Tiens d'ailleurs je me suis toujours demandée pourquoi mes amies les plus bordéliques avaient souvent des histoires d'amour très longues et des enfants avec des hommes élevés par des mères maniaques... Un acte malicieux (voire diabolique) émanant de nos blessures de petits pour nous aider avec ce sujet-là ??? A moins que ce ne soit l'inverse, tout est possible...
Mais en tout cas, je n'ai pas l'intention de passer ma vie à jouer un rôle, à entretenir une image idéale, et à la transmettre tranquillement à mes filles. Ma vie me surprend, jusqu'au bout je crois que je serai surprise et même électrisée par ce qui se passe lorsque l'on abandonne nos croyances, nos conditionnements, lorsqu'on se laisse aller, que l'on s'abandonne à la rencontre avec sa vie...
Mes enfants m'ont accompagné dans toutes ces découvertes, et m'ont parfois donné des coups de pieds afin que j'arrête de vivre dans cet espèce de désespoir tranquille, que je me montre autrement qu'un "gentil mort vivant" selon les termes de Marshall Rosenberg... Le dépassement que j'ai vécu pour répondre aux besoins de mes enfants m'a faite avancer considérablement... Et je n'ai jamais eu le sentiment de me sacrifier...
Alors oui à flylady (qui est une femme puissante ;-)))) oui à tout ce qui peut nous aider à vivre nos vies sans trop de dommages, mais dans l'unique but de retrouver nos esprits, notre vitalité, notre joie de vivre ! (Et côté joie de vivre les petits ont des choses à nous apprendre...)
Dans le but que nous comprenions qu'il y a de véritables priorités et s'en occuper c'est avoir un impact sur l'avenir de notre société, notre fonction est politique y compris lorsque nous nous appliquons à jouir de nos existences !
Donc je propose que nous devenions visibles en tant que parents, que nous cessions de dévaloriser le travail que nous faisons, c'est une tâche colossale, je ne vois rien de plus important, et en même temps nous pourrions laisser tomber l'image de la femme idéale, qui est-elle ? on pourrait creuser ce sujet-là aussi...
Mais cette image est un leurre qui produit d'énormes tensions en nous, ces tensions nous empêchent d'être fières de nous ! Sur tous les plans...
Un sujet si banal d'où surgit la passion, mmmmh c'est ce que je préfère et vous ?
Catherine Dumonteil Kremer
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