Articles, idées, astuces de la pionnière de la parentalité positive en France, Catherine Dumonteil Kremer
28 Mai 2014
Réponse à une abonnée de la liste Parents Conscients
"Coucou
Ton mail me fait sortir de ma tanière :-))
Tu as lu un livre et cela modifie la perception que tu avais des demandes de ta fille. Je trouve que c'est un effet assez déroutant de certaines lectures que nous avons.
Tu nommes ton mail : « pleurs d'émotion, ou de besoin. »
Je pense que les pleurs sont une manifestation de chagrin, un processus qui aide à nettoyer la souffrance. Mais il y a eu souffrance. Un bébé rencontre une multitude de raisons de souffrir et de la frustration due à l'absence de réponse à ses demandes. Il doit apprivoiser des sensations nouvelles, et il est encore inachevé en tant que petit humain. Du corps de sa mère où à peu près tous ses besoins étaient comblés il passe à l'extérieur et là, tout devient complexe, et ce parce qu'il vit à l'air libre mais aussi parce que nos réponses à ses besoins impérieux sont remises en question, nous doutons de la légitimité de ses demandes.
Ce bébé quand il naît, il est encore moi, il est en fusion avec moi et cela durera encore quelques années. De ce fait, il a besoin de téter, de se rassurer en tétant, de s'alimenter en se rassurant, de se réconforter au sein, de bénéficier de tout ce que le lait maternel peut apporter de maternel, une nourriture pleine de tendresse.
Comment désolidariser les éléments physiologiques et psychiques apportés par le lait maternel ? Il n'y a pas de tétées câlines, ou de tétées alimentaires. Il y a le sein, c'est bon d'être contre sa maman c'est vital, c'est rassurant et réconfortant, en particulier quand elle sait répondre présent à chaque demande.
Mes bébés m'ont tellement appris ! Et ce qu'ils m'ont appris de plus important c'est de lâcher ma tête et d'écouter mes tripes. Il y a 200 millions de neurones dans les intestins et bien franchement, je les écoute de plus en plus. Ma dernière fille a tété plus de 7 ans, alors que je découvrais l'écoute des émotions, elle était un bébé bien déterminé à ne pas lâcher sa mère.
J'ai répondu à chacune de ses demandes de nourriture céleste :- Parfois j'en avais marre d'ailleurs mais elle savait bien me dire : « Je ne veux pas pleurer je veux téter ».
Pour moi, écouter les pleurs d'un bébé est presque contraire à son développement, si les pleurs sont une décharge de chagrin causé par une souffrance et que mon bébé est dépendant de moi, ne devrais je pas plutôt m'occuper de ses besoins plutôt que d'écouter de la souffrance qui peut d'ailleurs se manifester en boucle, puisque mon enfant n'a aucun moyen de combler ses besoins par lui même ?
Quand j'ai proposé le sein à mon enfant et que j'ai vérifié les éventuelles sources d'inconfort (je me suis rendu compte que de nombreux bébés pleurent avant de déféquer ou d'uriner grâce aux parents qui pratiquent l'HNI) et qu'il continue à pleurer alors oui je l'écoute, je le prends dans mes bras, je ne le laisse jamais seul. Je fais partie de la solution à son problème, je suis son soutien inconditionnel.
Il n'y a pas d'automatisme de contrôle à cet âge-là, ou alors c'est la mère tout entière qui en est un. Mais en réalité, le bébé se branche à sa mère, il essaie de récupérer de la sécurité, du contact, et il se nourrit d'elle et à travers elle. La fusion est indispensable, elle lui permet d'affronter la brutalité du réel. Jusque-là il était au chaud, contenu, il entendait le cœur de sa mère battre… Il a besoin d'être contre sa peau, et de téter quand il sent que son être le demande.
Quelles qu'en soient les raisons, qu'il soit inquiet, angoissé, ou que son petit ventre crie famine, pourquoi vouloir analyser les raisons ? Le bébé fait ce qu'il a besoin de faire, et si tu lui fais confiance, alors tu peux écouter, tenir compte de ses demandes, sans te dire que tu fais mal.
Tu réponds à des sollicitations qui ne peuvent être différées.
Un bébé n'analyse pas, il essaie de survivre.
Peu à peu, il va se séparer, se déplacer, vivre ses propres expériences, certaines seront douloureuses, des essais de marche infructueux, des chutes, des sentiments d'impuissance en cascade. Quand la marche est acquise, l'enfant peut commencer à combler certains besoins sans nous. Cela fait toute la différence avec un bébé. Et puis il commence à avoir un tout petit peu d'expérience du monde extérieur.
Le sein va rester réconfortant, et les larmes seront accueillies, et la colère et la rage aussi…
Il te faudra peut-être devenir subtile avec un enfant de deux ans qui voudra téter ou pas, avec ma fille allaitée longtemps j'ai constaté que parfois c'était moi qui avais envie qu'elle se taise, pour des raisons diverses : fatigue, public trop abondant, etc. En général, elle se laissait pleurer un moment avant de venir au sein, si je la laissais complètement faire, si j'étais claire sur mes intentions. Ses émotions ont été accueillies la plupart du temps, et aujourd'hui encore, elle sait que les pleurs nettoient le chagrin, la conduit à tourner la page, et elle n'hésite pas à s'immerger dans sa tristesse pour en ressortir plus forte qu'avant.
Tout ça pour te dire que je ne peux pas faire l'impasse sur l'écoute des émotions, j'ai écouté des émotions de toutes sortes chez tous mes enfants. Et elle s'est avérée cette écoute-là indispensable pour moi, quand mes enfants étaient petits je pleurais plusieurs fois par semaine, et j'écoutais des adultes pleurer, c'est ainsi que j'ai compris ce qui pouvait se passer avec mes filles quand elles étaient pleines de chagrin.
Je sais que ce n'est pas facile les livres, quand on les lit, on a le sentiment parfois d'avoir trouvé « LA » solution et en réalité il y a des tas de choses passionnantes et stimulantes dans les livres. Mais… je crois qu'il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain… Et garder présente à l'esprit que l'auteur est une personne qui a fait certaines expériences et pas d'autres.
Je pense que l'allaitement n'est pas un automatisme de contrôle, que le bébé ne met pas en place de stratégie, il essaie de vivre et d'avoir une relation de proximité avec sa mère et son père pour rétablir un certain équilibre en lui.
Sur le fait de supprimer des sucettes, ou autres doigts dans la bouche, je me pose des questions, si nous les lui avons donnés, qu'il s'en sert pour combler des besoins de réassurance pourquoi les supprimer ???? Ce sont des béquilles dont il a besoin parce que tous ces besoins ne sont pas comblés justement.
Pour supprimer une sucette, peut être que répondre aux demandes de tétées plus fréquemment est une option, laisser la sucette afin que le bébé puisse s'en servir quand il en ressent le besoin.
Peu à peu, il lâchera le sein… Et il lâchera ses parents aussi d'ailleurs, mais cette période de sa vie sera toujours profondément déterminante dans sa manière d'être en relation, et de voir la vie et le monde autour de lui :-)))
Qu'en penses-tu ?
Et vous qu'en pensez-vous ?
Catherine Dumonteil Kremer
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