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La Parentalité Positive au quotidien

Articles, idées, astuces de la pionnière de la parentalité positive en France, Catherine Dumonteil Kremer

Jacqueline Cornet, une pionnière qui nous manquera...

Jacqueline Cornet, une pionnière qui nous manquera...Jacqueline Cornet, une pionnière qui nous manquera...

J'ai appris hier une bien triste nouvelle  : la disparition de Jacqueline Cornet. Voici en hommage à Jacqueline une interview exclusive qu'elle avait donné à PEPS . Son travail sur les liens qui existent entre les accidents de la route et la violence éducative relaté dans le livre "Faut-il battre les enfants ?" est une ressource indispensable pour toutes les personnes qui s'engagent aux côtés des parents et des enfants.

Merci Jacqueline...

Le numéro 3 de PEPS est en pdf tout à la fin de l'article, vous pouvez le partager autour de vous.

 

Jacqueline Cornet, une pionnière qui nous manquera...

Celles qui….

Portraits de femmes qui changent le monde

Propos recueillis par Anne-Marie Bosems

 

La Dr Jacqueline Cornet œuvre depuis 1995 pour les enfants. Fondatrice avec Alice Milller de l’association « Ni claque ni fessée », elle a écrit une étude sur le rôle des coups reçus enfant dans les maladies et les accidents des adultes.

 

 

Elle me résume son parcours : « J’ai été médecin généraliste sur la même commune toute ma carrière, donc j'étais vraiment le médecin des familles, et là, j'ai fait un certain nombre d'observations. On me disait que les enfants n'allaient pas bien parce qu'ils manquaient de coups de pied aux fesses, et moi j'avais l'impression, de ce que j'entendais et de ce que je voyais, que c'était plutôt le contraire. Quand je suis arrivée à la retraite, que j'ai eu du temps, je suis allée faire un travail de recherche dans les hôpitaux parisiens. Je voulais voir ce qu'il en était effectivement de ces enfants battus ou pas battus, ceux qui allaient bien et ceux qui n'allaient pas bien. Et j'ai fait cette recherche qui a abouti à la vérification que plus on donnait de coups aux enfants, plus ils multipliaient les accidents et les maladies. »

 

Les parents manquent de formation

 

Jacqueline Cornet me précise comment l’idée de réaliser ce travail lui est venue : « Une intuition, qui serait plutôt une observation fine. Il y avait une espèce de répétition, parce que je recevais des enfants qui avaient différents problèmes, et petit à petit, en posant des questions : “Comment vous l'éduquez ? Comment vous agissez à la maison ?”, je me suis rendu compte que les enfants qui n'allaient pas très bien, c'était les enfants qui prenaient assez régulièrement des “bons coups”. Mais c'était simplement sur quelques cas, donc je ne pouvais pas en faire une observation valable. C'est resté dans ma tête, et quand je suis allée vérifier, j'ai effectivement trouvé une relation entre les maladies, les accidents et les coups reçus. »

Elle me précise quels changements elle aimerait voir dans la société : « Pour résumer simplement : formation des parents. Parce que tout le monde dit qu'élever des enfants c'est ce qu'il y a de plus difficile. Or, quand vous devenez parents, vous sortez au troisième jour de la maternité (avant, on restait dix jours) avec un bébé bien enveloppé dont vous ne savez absolument pas quoi faire. »

Elle a l’impression que des évolutions se font doucement : « Par exemple, il y a quinze ans, quand on a fondé l'association, on avait tous des anecdotes : “J'étais au supermarché hier, il y a une femme qui a frappé son enfant, je suis intervenue de telle façon…”, “Oh oui, moi, au square…”. On avait tous de petites histoires comme ça à se raconter. Maintenant, on n'en a plus. Je pense que les enfants ne sont pas moins battus qu'à l'époque, mais les parents ne le font plus dehors. Donc il y a quelque chose dans leur tête qui a évolué un petit peu. Nos adhérents sont répartis sur tout le territoire français et ça devient rare de voir un enfant frappé dans la rue. »

 

Naissance de l’association « Ni claque ni fessée »

 

Ses projets sont toujours les mêmes, « ils se répètent à chaque changement de gouvernement parce qu'à chaque fois on espère. On en a changé récemment, j'ose espérer que cette équipe va enfin accepter de faire changer les choses, mais pour le moment c'est un vœu pieux. Notre projet de rentrée est de contacter les nouveaux politiques. » Une belle rencontre l’a décidée à agir : « Comme mon travail de recherche était un travail universitaire, il est paru dans des publications médicales. Il a été lu par pas mal de gens, on m'a contactée. Je suis passée dans les journaux, on m'a demandé de faire des conférences et c'est à cette occasion que j'ai rencontré Alice Miller, qui travaillait sur la question. On était à un congrès à Barcelone en 1996 ou 1997 et là on a pris la décision toutes les deux de monter une association pour mettre nos idées en pratique. » Paradoxalement (et dans un rire), elle m’annonce que c’est l’échec qui la motive : « Enfin, un semi-échec parce qu'en 1997, quand on a monté l'association, on nous invitait à la radio ou à la télé pour rigoler, on était des espèces de petites farfelues, pas sérieuses. Et puis maintenant qu'on a l'ONU, l'UNICEF, le Conseil de l'Europe et vingt pays d'Europe derrière nous, on se sent très confortés. Mais en France, on a une impression d'échec. Ce qui me motive, c'est donc l'envie de surmonter cet échec. » Le Docteur Cornet m’explique où elle trouve la force, l’énergie et le courage de continuer : « Je suis à la retraite donc j'ai du temps, c'est une bonne façon d'utiliser sa retraite. J'ai commencé ce travail, ce n'est pas pensable pour moi d'abandonner. » Elle vit malheureusement régulièrement des déceptions et des frustrations : « À chaque fois que je rencontre un politique qui reste buté, qui ne veut pas m'écouter, qui fait semblant, je suis désespérée, découragée, j'ai envie d'abandonner. Mais enfin, ça ne dure jamais. Je pense que je suis tenace. » Elle n’a pas l’impression d’avoir eu à faire des sacrifices. « Non, mais des choix de temps, oui. On peut sûrement occuper sa retraite à des choses plus distrayantes, moins angoissantes, qui demandent moins d'investissement personnel. Mais ce n'est pas un sacrifice. Ça me tient à cœur donc je m'investis dedans avec plaisir. »

 

« Ce qui m’a fait du bien, c’est la confiance que mes parents me donnaient. »

 

Cette femme dynamique pense que ses capacités d’action viennent de son éducation : « Je pense que j'ai été éduquée à la responsabilité. Je crois que j'ai des parents qui m'ont appris très vite et très tôt à me débrouiller seule. Je me souviens que quand je voulais me faire aider pour un devoir, ma mère me disait d'aller voir mon père, et celui-ci me disait : “Cherche et tu trouveras !” Ils me faisaient confiance, et en effet avec de la patience je trouvais ! Je pense que l'éducation fait beaucoup. » Elle me précise qu’elle a reçu des fessées : « Je suis âgée et à l'époque, c'était comme ça qu'on élevait les enfants. Je n'ai pas été martyrisée, j'ai reçu quelques fessées pour des choses qui déplaisaient à mes parents. Je les trouvais d'ailleurs en général injustes, je n'aimais pas ces fessées, je ne les appréciais pas et je ne les revendique pas du tout comme m'ayant fait du bien ou m'ayant aidée. Ce qui m'a fait du bien, c'est la confiance que mes parents me donnaient et leurs encouragements, mais pas les fessées ! » Ses conseils pour quelqu’un qui souhaite agir mais n’ose pas sont les suivants : « Il ne faut pas partir comme ça le nez au vent, en se disant qu’on a une idée. Est-ce que je suis sûr de ce que j'avance ? Est-ce que d'autres gens peuvent me suivre dans mes idées ? Si vous avez bien assuré vos arrières, c'est plus facile d'oser. Si possible aussi, trouver des gens qui pensent comme vous, qui sont arrivés à la même conclusion. L'union fait la force. Tout seul, c'est extrêmement difficile d'agir. On a besoin d'être soutenu dans les moments difficiles. S'assurer que c'est un bon combat, qu'il est juste et qu'il est bien étayé avec de bons arguments, et puis s'associer pour travailler ensemble. »

 

Anne-Marie Bosems

 

 
 
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