Articles, idées, astuces de la pionnière de la parentalité positive en France, Catherine Dumonteil Kremer
14 Octobre 2014
Quand j'étais adolescente et bien plus tard encore l'institution scolaire avait des failles. Ces petites merveilles me permettaient de respirer, elles ont aidé des milliers de collégiens et de lycéens à survivre dans un milieu parfois très hostile.
Ainsi en collège j'ai « séché » tous les cours d'EPS, en lycée ma présence dépendait de l'enseignant, et aussi de mes engagements du moment, comme tout un chacun j'avais une vie :- et il m'est parfois arrivé de choisir de ne pas aller en cours pour rejoindre mon amoureux. À l'impossible nul n'est tenu, quand il s'agit d'amour je vois bien peu de personnes dans le monde adulte résister à son appel (même quand elles sont très haut placées). Pour organiser mon existence très réglée, je devais imiter la signature de mes parents. C'était un risque, le méfait a d'ailleurs été découvert presque à chaque fois, mais au bout d'un temps assez long ce qui m'a permis de vivre ma vie pendant ces quelques heures volées à l'institution scolaire .
J'ai vécu des moments plein de poésie, un désir de vivre accru, la joie parfois de décider enfin de quoi les chères minutes de mon existence seraient faites. Aussi mon indignation fut à son comble, quand j'ai découvert PRONOTE, toute la vie scolaire en un logiciel !
On n’arrête pas le progrès mais la liberté elle, en prend un sacré coup. Avec pronote toutes les informations figurent au jour le jour sur un espace où les parents, la communauté éducative, les jeunes peuvent aller. C'est le délateur idéal ! Silencieux, il signale le moindre retard, les absences, les notes, les sanctions. Mais il transmet aussi les bulletins (plus moyen de les réceptionner dans la boîte aux lettres pour avoir quelques soirées tranquilles), la progression du jeune, ses acquisitions scolaires, les devoirs à faire.
Une fois de plus l'institution s'immisce dans les relations parents enfants, non pour les améliorer mais pour étendre sa surveillance au cœur de la famille. Et de ce fait très adroitement elle fait des parents ses alliés. J'imagine qu'un parent qui voit sur son espace pronote que son enfant n'a pas acquis telle et telle notion va essayer avec ses moyens de renforcer la connaissance de ladite notion, et cela viendra bien sûr en sus des devoirs à faire. Autant dire que les règlements de compte dans les familles vont se faire nombreux.
Avant il y avait la lecture trimestrielle du bulletin parfois très pénible, mais une fois par trimestre cela suffisait amplement. Aujourd'hui c'est tous les jours qu'un enfant en difficulté scolaire sera stigmatisé par ses parents et par le collège ou le lycée. L'inquiétude est déjà au cœur de la famille, la crise a transformé les parents en coach scolaire ce qui est déjà suffisamment compliqué à gérer pour un enfant, mais avec toutes ces informations je crains que l'apprentissage ne devienne qu'une succession de contraintes, de contrôles, une voie sans issue. Impossible dorénavant d'échapper à une éducation nationale devenue tentaculaire.
Ce n'est pas ainsi que nous allons réussir à mettre en place l'école du XXIe siècle, celle qui va enfin se baser sur les recherches des éducateurs et des neuroscientifiques qui disent toutes que notre modèle scolaire est obsolète. Celle qui va prendre en compte les émotions des enfants et des enseignants, celle qui va cesser de tout miser sur la mémorisation mais qui saura faire vivre des expériences stimulantes aux jeunes. Celle qui va enfin comprendre que l'évaluation est une énorme menace qui empêche les acquisitions scolaires, pèse lourd sur les relations familiales. Une école ouverte où apprendre ensemble, s'entraider, n'est pas interdit…
Pronote c'est aussi la claire démonstration que l'enfant n'est à aucun moment vu comme un être digne de confiance. Qu'en pensez-vous ?
Et puis toutes ces informations sur vos enfants que vont-elles devenir ? Vont-elles les suivre tout au long de leur vie ? Il y a fort à parier que pronote n'est que le début d'une démarche qui pourrait s'étendre au monde de l'entreprise.
Si votre enfant est concerné par cette atteinte massive à sa liberté, réagissez ! Parlez-en au chef d'établissement, il y a sûrement un moyen d'améliorer ce logiciel, mais en attendant le boycotter en ne se créant pas d'espace parent, est une possibilité.
C'est l'avenir de nos enfants qui est en jeu !
La suite bientôt :-)
Catherine Dumonteil Kremer
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