Articles, idées, astuces de la pionnière de la parentalité positive en France, Catherine Dumonteil Kremer
11 Décembre 2014
« Mais… On ne vit pas aux pays des Bisounours ! » Combien de fois avez-vous entendu cette affirmation lorsque vous parliez de l’accompagnement que vous souhaitez donner à vos enfants ?
Que signifie-t-elle en définitive ? Ce que l’on vous oppose avec cette image, c’est que le monde est difficile, que vos enfants feront face à une certaine dureté, à des habitudes de vie partagées par tous. Y seront-ils préparés après avoir fait un séjour prolongé à bisounoursland où en définitive tout leur était facile. Sauront-ils se lever le matin ? Se contraindre à travailler alors qu’ils n’en ont pas vraiment le désir ? Faire face à l’agressivité des autres ?
Sauront-ils s’adapter après avoir vécu dans une espèce de cocon sans grand rapport avec la dure « réalité de la vie ».
En ce qui me concerne je vois l’évocation du pays des bisounours comme une manifestation d’indignation des adultes qui se demandent en fin de compte à quel moment vos enfants vivront les difficultés qu’eux-mêmes ont traversées, est-il normal qu’ils n’y soient toujours pas confrontés ? La crainte d’une possible désocialisation occupe la seconde place !
Aux individus qui me parlent de cette façon, je pense que je demanderais dans quel pays ils ont vécu lorsqu’ils étaient enfants ? Cela leur permettrait de parler de leurs difficultés d’enfant même si c’est sur un mode défensif.
Concernant vos propres inquiétudes de parents, car bien souvent le doute vous assaille, sachez que cette image ne correspond en rien à ce que vous essayez de faire avec vos familles. Évitez-vous toutes souffrances à vos enfants ? Même si vous faites des efforts importants sur vous-mêmes, la réponse à cette question est non. Ce n’est pas un objectif réaliste du reste. En revanche vous savez écouter les manifestations de la souffrance ce qui fait une grande différence pour vos petits.
Et pour votre démarche de parent, je trouve la formule assez dévalorisante. Quand je vois les montagnes que les parents déplacent, les questions qu’ils se posent, les diverses démarches faites en termes de formation, de thérapie, l’engagement pris auprès des enfants d’ouvrir les yeux sur la violence éducative, tout ceci me pousse à penser que c’est une démarche profonde, exigeante tant sur le plan affectif que sur le plan intellectuel.
En accompagnant vos enfants, vous leur donnez une base de sécurité qui leur permettra de s’adapter aux nécessités de leur vie et à certaines contraintes, celles qu’ils choisiront de s’imposer. Les exemples de jeunes adultes élevés dans le respect avec lesquels j’ai beaucoup échangé pour mon livre sur l’adolescence ont confirmé ma propre expérience.
Ils sont bien moins gouvernés par la crainte que ne l’étaient certaines générations avant eux, ils ne s’attendent pas au pire. Ils ont tendance à savoir évaluer les situations en fonction de leur ressenti, et à avoir confiance en eux. Ils forment des projets les concrétisent, ils ont des relations qu’ils savent gérer bien mieux que nous avons pu le faire, et surtout ils ont conscience de leurs blessures, des lacunes de leur éducation, et prennent les choses en main bien plus tôt que nous avons pu le faire pour eux.
Alors vivons-nous au pays des petits ours de couleur pastel ? Je ne le crois vraiment pas, nous vivons bien tous dans le même monde. Mais nous ne portons pas le même regard sur lui.
Et nous avons toutes les raisons de garder notre optimisme lorsque nous voyons nos enfants grandir dans le respect de leur dignité.
Catherine Dumonteil Kremer
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