Articles, idées, astuces de la pionnière de la parentalité positive en France, Catherine Dumonteil Kremer
14 Février 2012
Souffrir, sentir, se plaindre, août 2008
Des circonstances particulières ont conduit une de mes filles à l’hôpital. Depuis huit jours elle a changé de service, elle est en pédiatrie. Tous les jours je passe devant une enfilade de chambres. Et hier justement j’entends un aide soignant apostropher un enfant : « Tu ne vas pas me dire que ça te fait mal ? »
- Ben oui m’sieur ça tire, et puis « ils » ont dit qu’ils allaient me l’enlever
- S’« ils » ont dit cela ils le feront eux-mêmes, et puis t’es un homme ou une chochotte ? »
Quelle alternative ! Je ne crois pas avoir entendu de réponse… C’est cette personne qui est si charmante avec ma fille qui parle de la sorte à un autre enfant ?
Oui, mais ce dernier n’appartient pas au sexe autorisé à montrer sa souffrance et ses sentiments.
Une situation qui progresse peu
Je croyais naïvement que la situation avait évolué pour les garçons, qu’il leur était possible de montrer librement leurs blessures, leurs souffrances, de pleurer tout leur saoul. Apparemment il reste encore pas mal de travail à faire sur le sujet.
L'oppression des hommes
On parle souvent d’oppression des femmes dans notre société, mais l’oppression des hommes existe aussi et commence dès la minute où nous connaissons le sexe de l’enfant que nous portons. Les garçons sont priés de ne pas ressentir, ils ne doivent pas avoir de contacts affectueux entre eux. Très souvent, à partir de 4 ans on ne voit plus deux petits garçons se tenir la main, ils ne doivent pas se plaindre au risque de passer pour des êtres faibles, sans dignité. Il suffit de regarder ce qui se passe à l’entrée et à la sortie des écoles, les garçons n’ont très vite pas le droit de montrer que leurs parents leur manquent.
À la sortie du collège, on les voit très fréquemment se « cogner » pour rien, pour rire, et ils ne sont pourtant pas nombreux à apprécier la farce, ils font cependant amende honorable.
Une carapace très épaisse
Peu à peu, on les enferme dans une épaisse carapace dont ils sont les premiers à souffrir, et qui leur sera reprochée dans leur couple. Coupés d’eux-mêmes, il leur sera alors très pénible, de parler d’eux, de leurs sentiments. Ils ne parviennent quelquefois même pas à comprendre en quoi consiste cette démarche tant elle leur semble étrange En dix ans d’animation de groupe d’écoute des émotions, je dois reconnaître malgré cela que les plus jeunes hommes sont moins coupés d’eux-mêmes, le progrès est lent à se manifester.
Quelques idées pour explorer le terrain
Voici quelques questions pour vous aider à investiguer votre terrain émotionnel si vous avez des petits garçons :
Que ressentez-vous quand votre petit garçon s’habille et se maquille en fille ? Qu’il joue fréquemment à la poupée ? Qu’il réclame des jouets « de fille » ? Qu’il pleure abondamment et très fréquemment ?
Eprouvez-vous une tension grandissante ? La plupart des parents que je connais n’ont aucune peine à l’accepter une fois ou deux, ou même lorsque leur garçon a moins de 5,6 ans environ. Mais si l’enfant y prend goût, les tensions grandissent, elles sont souvent plus intenses pour le père d’ailleurs.
Votre enfant a beaucoup à faire avec les jeux marqués « fille ». Il est naturel qu’il explore toute sorte d’attitudes et de situations qui l’intriguent dans le jeu justement où tout est possible. Il répond à un besoin, il s’entraîne découvre, votre malaise vous appartient.
Quant à ses larmes, elles sont un véritable cadeau ! Elles lui permettent de guérir de ses souffrances et ce à n’importe quel âge.
Tous les jeunes garçons devraient avoir la possibilité d’être complètement eux-mêmes, sans ressentir de crainte, ou qu’ils soient. Un défi pour nous tous, qui changera la façon d’être des pères et des mères dans l’avenir…
Catherine Dumonteil-Kremer
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