Articles, idées, astuces de la pionnière de la parentalité positive en France, Catherine Dumonteil Kremer
7 Février 2018
C’est la première fois à ma connaissance, que nous faisons la une de Libération ! Quatre pages nous sont consacrées, quand je dis « nous » d’une manière générale je parle de certains acteurs de ce que l’on appelle la Parentalité Positive, et aussi des parents qui souhaitent abandonner la coercition.
J’ai rencontré une jeune journaliste dans ce contexte et cela faisait longtemps que je n’avais pas été autant surprise par le résultat.
Avec ce dossier c’est l’ensemble des parents qui est stigmatisé. Ceux qui ont des problèmes quand il est question de laisser derrière eux l’éducation traditionnelle avec son cortège de craintes, de cris et de coups. C’est-à-dire à peu près tout le monde. Oui tous les parents veulent ce qu’il y a de meilleur pour leurs enfants, et lorsqu’ils ont le courage de faire face à leur propre histoire ils pourraient y être encouragés, plutôt qu’être dénigrés par des journalistes.
Car libération titre : « Éduquer sans punition le Graal des parents dépassés »
Ça vous fait réagir ? Moi aussi, car j’ai été ce parent dépassé, ce parent qui a cherché des solutions dans toutes les directions, j’ai lu, écrit, créé des groupes, et cela a répondu en partie à mes besoins, je me suis mise à l’écoute de mes enfants, et j’ai fini par créer des formations pour les parents. J’étais enseignante et j’ai démissionné de l’éducation nationale pour m’y consacrer, sentant l’urgence de la situation. En attendant de trouver des alternatives J’ai souffert de ce dépassement, souffert de faire le contraire de ce que je souhaitais pour mes enfants, et vous ?
Comment se satisfaire de vivre dans un pays où 190 000 abus sexuels sont perpétrés (la plupart dans la famille) par an (toutes tranches d’âge confondues), un pays qui était il y a encore peu le champion des consommateurs de psychotropes, j’ajoute les 50 000 tentatives de suicide par an d’adolescents. Et si nous parlions de violence conjugale ?
225 000 femmes ont subi la violence de leur partenaire, 123 sont mortes sous les coups de leur conjoint ex-conjoint ou compagnon cette même année.
Je crois que dans notre beau pays 700/an enfants meurent sous les coups de leurs parents. En Suède ce terrible chiffre a été réduit à quasi-zéro.
Pourquoi ? Les violences éducatives ordinaires y ont été interdites il y a trente ans, et les actions de formations et d’accompagnement des parents y sont promues, elles ne sont pas un objet de dérision, elles sont prises très au sérieux et soutenues.
Accepter ce mal être sans rien faire ?
Peut-on accepter ce mal-être en France sans agir, sans proposer des changements dans notre façon de voir l’enfance ? Et de vivre notre rôle de parents ? Peut-on être aveugle au point de ne pas mettre en lien toutes ces statistiques et les conditions dans lesquelles les enfants ont été élevés ?
Oui j’ai été dépassée et cela m’a fait grandir ! Et j’ai accompagné des enfants sans les punir, ce n’est pas un Graal, c’est à la portée de tout un chacun. C’est difficile et exigeant mais c’est aussi une des tâches les plus enthousiasmantes qui soit !
Nous sommes dépassés quels que soient nos choix en matière d’accompagnement des enfants car il y a peu de monde pour nous soutenir et que ce que nous faisons en tant que parents est invisible.
Libération appuie sur le mauvais bouton, celui du mauvais parent, il vaut mieux garder le silence quand on a des difficultés plutôt qu’aller demander de l’aide. J’ai aussi connu ça chez les enseignants, ne rien dire et souffrir en silence plutôt que de passer pour un mauvais prof.
Je vous garde pour la fin ce qui m’a le plus attristée : « Sauf cas de violence gratuite avérée, qui nécessite une intervention extérieure, laissons les parents se faire confiance… » Autant dire la porte ouverte à toutes les violences : celles qui nous ont blessés en tant qu’enfant, et dont nous essayons de nous débarrasser. Ce sont aussi elles qui ne sont pas reconnues, subitement il nous faut fermer les yeux sur les blessures répétitives que nous avons souvent traversées.
Tant qu’il n’y avait pas de trace…
Et tant qu’il n’y a pas de trace…
Je suis dépassée et je l’assume
Si comme moi vous avez été, où vous êtes un parent dépassé, si vous avez un témoignage à offrir sur votre site, blog, page Facebook, je vous invite à partager votre texte suivi du hashtag :
#parentsdépassés
Je vous invite à assumer et à revendiquer votre désarroi, oui nous sommes dépassés et nous avançons à notre rythme avec nos enfants. Exprimez ce qui vous aide au quotidien, et cela aidera de nombreux parents par la même occasion !
Cet accompagnement est un chemin, un processus et c’est cela qui va nous permettre de vivre dans une société plus humaine.
C'est plus que jamais le moment de se retrousser les manches !
Catherine Dumonteil Kremer
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