Articles, idées, astuces de la pionnière de la parentalité positive en France, Catherine Dumonteil Kremer
6 Octobre 2010
"Allez, je vous transmets un extrait du livre "les enfants d'abord" de Christiane Rochefort. Ne le cherchez pas , il n'est plus édité, hélas!!!
"L'enfance est une institution, non un fait. Comme fait, l'enfance (première partie de la vie humaine, dit prudemment le dictionnaire Robert) est un état mouvant aux limites imprécises. Comme institution, elle va de la naissance à un âge fixé par décret. On dit "enfant", "adolescents", ou "jeunes" selon les besoins de la cause.
La loi dit "mineurs", et c'est la seule expression claire. Les sociétés modernes ont légalisé une discrimination fondée sur une différence de force musculaire. Mineur signifie : moindre. Plus petit. Inférieur. Les dits "enfants" sont un ensemble d'humains plus faibles au combat au corps à corps, constitué par les plus forts en catégorie, et soumis à un statut et à un traitement spéciaux.
Le statut est la privation de l'autonomie.
Le traitement appliqué par l'autorité adulte, à laquelle les mineurs ne peuvent se soustraire, consiste à éliminer du potentiel inné, les éléments indésirables, incontrôlables, ou simplement superflus, pour ne conserver et développer que ceux utiles à l'exploitation.
C'est proprement une mutilation. Une mutilation corporelle pas seulement un conditionnement mental. Les mutilations corporelles tombent sous le coup des lois dans nos sociétés, mais pas celle là, qui n'est pas avouée comme telle.
Elle est dite formation, éducation.
Pour estimer à peu près ce qui a été retranché au niveau corporel, il n'est que de comparer l'acuité des sens d'un enfant de trois ans, sa vitalité permanente, l'intensité de ses désirs, son regard, son émerveillement, sa tendresse, sa souplesse de chat, et jusqu'à son sommeil avec ceux d'un adulte moyen.
C'est comme une lampe qui s'est éteinte. On voit à l'oeil nu sur quels points cet adulte réussi, modèle conforme, se rendant à son bureau, a été opéré : Il n'utilise qu'une faible partie de son équipement sensoriel; sa musculature est plus ou moins atrophiée, sa colonne vertébrale est soudée ou menacée d'effondrement, sa capacité respiratoire est réduite, son système nerveux autonome est bloqué, ses plexus sont noués, son énergie ne circule pas, il est dérythmé, son corps en est au point qu'il doit le préparer dans un "club" avant d'aller en vacances, (S'il peut lui payer ça); sa sexualité est misérable, il est plein de maladies psychosomatiques et de dépressions ainsi que de drogues diverses, son cerveau est un magnétophone, ses récepteurs sont saturés , il n'a pas de regard, il dort mal. Ses émotions négatives le dominent; quant au positives : il ne connait pratiquement plus la joie. Ne parlons pas de l'émerveillement ce serait trop triste. Sa faculté de relation est rabattue jusqu'à la rétractation totale : L'autre lui fait peur !
Et tout ça, qu'il n'a pas, il redoute de le perdre. Lampe éteinte qui craint le moindre souffle. Les adultes ont fini par croire que c'est "naturel" de dégringoler à ce point là. Sinon ils se flingueraient. Mais ça ne l'est pas: c'est une mutilation. Accomplie durant les cinq premières années de la vie. Et si profonde qu'ils aspirent encore à la transmettre. Le mort tire le vif.
L'oppression des enfants est première et fondamentale. Elle est le moule de toutes les autres."
Christiane Rochefort
"les enfants d'abord"
Bonne journée à vous tous.
Catherine Dumonteil Kremer
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