Articles, idées, astuces de la pionnière de la parentalité positive en France, Catherine Dumonteil Kremer
25 Janvier 2012
La solitude de l’enfance
C’est dimanche matin, j’ai plus ou moins l’intention de rester en pyjama toute la journée, et de bouquiner, mais Coline voudrait que je l’accompagne à la boulangerie, nous sommes à 7 km du centre-ville, j’y vais sans me préparer pour sortir, elle seule descendra de la voiture.
Arrivée devant la boutique, ma fille descend de notre véhicule. Peu de temps après j’entends des pleurs, « Maman, maman » c’est un tout petit qui sort en courant derrière sa mère furieuse. Il doit avoir deux ans. Elle se précipite vers sa voiture, puis tout à coup se retourne et lui donne un coup sur les fesses, il est désespéré, elle crie alors : « Il faut toujours que tu nous fasses remarquer ! », ils s’en vont, tout s’est passé très vite, j’ai à peine eu le temps de réaliser ce qui s’était passé !
Ma fille sort à son tour de la boulangerie, je lui demande quel crime a commis ce bambin pour être ainsi frappé. Je suis surprise par sa réponse : « Il voulait être porté » et elle ajoute : « il demandait à sa mère, s’il te plait maman, un petit peu, un petit peu ». J’ai essayé d’imaginer ce que l’on peut ressentir quand on demande un peu de contact et que l’on reçoit un coup en retour. Je suis de toute façon très loin du compte, il aurait fallu que j’ajoute cette dépendance aux parents, qui fait que l’on ne peut vivre sans eux, et malgré leurs trahisons successives on continue à espérer qu’il nous aimeront et répondront à nos attentes.
Je me demande en fin de compte si dans notre société les enfants ne sont pas avec les personnes âgées les plus grandes victimes d’un redoutable fléau : la solitude.
Les petits se trouvent dans une situation paradoxale : très entourés, mais seuls, et j’y vois deux raisons simples. On leur refuse souvent le contact physique dont ils ont un besoin impérieux. Dès la naissance, ils sont séparés de leur mère, ils sont supposés dormir seuls, pendant que leurs parents sont ensemble. Ils font face à d’énormes défis : la séparation d’avec leur famille pour entrer en crèche ou à l’école, et là encore ils sont seuls.
Il y a beaucoup de monde autour d’eux, mais pas un allié en vue qui puisse apporter réconfort, contact et compréhension. Ils se font parfois des amis, mais peu de parents considèrent comme prioritaire le besoin de les rencontrer en dehors des heures scolaires. Là encore ils font face seuls. Les parents travaillent et à la fin de leur journée, ils ont peu de temps pour offrir ce qui a manqué, il y a trop de contraintes : les devoirs, l’hygiène corporelle, les repas, et toutes les tâches ménagères que l’on s’astreint à accomplir !
Les enfants manquent de contacts physiques affectueux mais aussi de compréhension, car qui peut comprendre cette immense solitude, cette tristesse causée par les séparations successives, ce besoin d’être contre un être vivant aimant.
Je sais, quand je m’adresse à vous, que vous êtes probablement connectés avec les besoins de votre tout petit, que le contact physique affectueux est pour vous une priorité.
Alors je vous propose cette deuxième anecdote. Après la rentrée, une de mes amies me confie combien il est dur pour sa fille de dix ans d’appréhender les journées très lourdes en CM2 d’autant plus que l’enseignante se targue de préparer les enfants à l’entrée en sixième.
« Tu ne peux pas imaginer combien le fait de dormir ensemble nous aide à réparer tout cela, le soir C vient dans notre lit, nous parlons un peu, elle pleure beaucoup contre moi, et j’écoute, c’est très angoissant pour elle, cette impression qu’elle ne va pas y arriver qu’elle ne comprend rien, elle sanglote un bon moment et elle s’endort, dans notre lit, elle dort à nouveau avec nous, et en même temps, elle est capable de partir deux jours chez une amie ! »
Les besoins de compréhension, de disponibilité, de contact affectueux, de réassurance n’ont pas d’âge, pas de fin !
Et lorsque nos enfants vivent avec nous, nous sommes les seuls ou presque et ce pendant une bonne quinzaine d’années à pouvoir combler ces besoins-là.
La route est longue mais elle est riche de découvertes, et d’expériences inédites !
Catherine Dumonteil-Kremer
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